Roschdy Zem Bodybuilder Tournage et avant première à Saint-Etienne (Sortie du film 1er Oct 2014)
C'est avec joie que j'ai rencontré Roschdy Zem le réalisateur du film Bodybuilder. C'est l'histoire d'un fils qui va retrouver son père qu’il n’a pas connu, avec lequel il n’a pas grandi. En le rencontrant, il découvre que son père est un bodybuilder. ( À Lyon, Antoine, vingt ans, s’est mis à dos une bande de petites frappes à qui il doit de l’argent. Fatigués de ses trafics en tous genres, sa mère et son grand frère décident de l’envoyer à Saint-Etienne chez son père, Vincent, qu’il n’a pas revu depuis plusieurs années. À son arrivée, Antoine découvre que Vincent tient une salle de musculation, qu’il s’est mis au culturisme et qu’il se prépare intensivement pour un concours de bodybuilding. Les retrouvailles entre le père et le fils, que tout oppose, sont difficiles et tendues. Vincent va tout de même accepter qu’Antoine travaille pour lui afin de l’aider à se sortir du pétrin dans lequel il s’est mis. De son côté, Antoine va progressivement apprendre à découvrir et respecter la vie que son père a choisie.)
Nicolas Duvauchelle, Marina Foïs, Vincent Rottiers et François Yolin Gauvin, champion du monde de bodybuilding, font partie du casting.
Le film est écrit par le réalisateur avec Julie Peyr (qui a notamment cosigné Jimmy P. [film review, bande-annonce, film focus] d'Arnaud Desplechin
Produit par Hole in One Films (la société du réalisateur) avec Why Not Productions (Pascal Caucheteux et Grégoire Sorlat), Bodybuilder en tournage du 23 septembre au 22 novembre 2013 à Lyon et à Saint-Étienne. La distribution dans les salles françaises sera assurée par Mars Films.
A noter que le premier rôle sera tenu par le champion de bodybuilding Yolin Gauvin, au lieu… d’Antoine de Caunes ! Dans une interview sur France Inter, le futur présentateur du talk show de Canal + explique « Je devais jouer un personnage qui s’est converti au bodybuilding, et il y avait un entraînement physique très intense qui durait depuis quatre mois, avec un régime alimentaire assez hard. Et puis on s’est rendu compte que ça ne marchait pas, qu’il fallait plus de temps, raconte-t-il. (photo avec Nelly Rey et Roschdy Zem lors d'un gala de Bodybuilding)
Donc le film a été retardé, déplacé. Du coup, quand la nouvelle de ma disponibilité est arrivée aux oreilles – qui sont grandes - de Canal +, ils m’ont sauté dessus pour me proposer de reprendre le Grand Journal. » C’était tellement dingo que ça fait partie de ces décisions que vous prenez deux-trois fois dans votre vie. Vous avez un carrefour, vous allez à droite ou vous allez à gauche, vous savez que ça va être dur et puis… vous dites oui, justement parce que c’est dingo et que l’enjeu est considérable. » -
J’ai remplacé au pied levé Antoine de Caunes qui devait, à l’origine, jouer ce rôle d’un champion de bodybuiding. Mais il ne présentait pas assez de masse musculaire malgré le régime qu’il avait suivi.
J’ai été deux fois champion du monde de bodybuiding, plusieurs fois champion de France.
A 57 ans, la compétition, c’était pour moi terminée. Je m’étais retiré à la Réunion d’où je suis originaire.
J’ai reçu un appel de la production pour tourner dans ce film qui retrace un peu ma vie. Celle d’un type qui n’a pas vraiment vu grandir ses enfants. Le lendemain de ce coup de téléphone, je prenais mes billets et m’envolais pour la France. J’ai pris des cours avec un coach pendant trois semaines.
Ce film ferme en quelque sorte la boucle. Le tournage se passe bien, les acteurs sont pros, j’ai énormément appris avec eux, Roschdy est gentil, et puis je ne suis pas impressionné par la caméra.
Pourquoi ce tournage à Saint-Etienne? Tout débute sur Facebook. Roschdy Zem en se documentant sur le monde du bodybuilding tombe sur la page de Nelly Rey (photo). Il entre donc en contact avec elle par ce biais. Elle doutera au début en pensant que ce contact est sans doute un faux Zem. C'est seulement lors de la première entrevue à la gare de Chateaucreux qu'elle constatera que c'est bien le vrai et que ce n'est pas une farce. Gym and co à La Talaudière est tenue depuis 23 ans par un champion de bodybuilding, Fabien Gil était Mister univers 2000 toutes catégories Il organise toutes les années le prix Gym and co.
Le tournage du film de Roschdy Zem: Bodybuilder (lire l'article m'a incité à regarder d'un peu plus près les analyses sociologiques sur ce sujet. Qu'est-ce qui se joue dans la pratique du bodybuilding poussée à un certain niveau ?
C'est ce qu'a cherché à déterminer l'anthropologue finlandaise Taina Kinnunen grâce à un travail de terrain(T. Kinnunen, « Bodybuilding et sacralisation de l'identité », Ethnologie française, avril-juin 2004.)
Selon son étude, le bodybuilding extrême (par opposition à des pratiques plus profanes de ce sport) n'est pas une simple occupation, mais un « style de vie global » construit sur une opposition forte entre le « pur » et l'« impur ».
On retrouve cette opposition à propos de l'entraînement : les bodybuilders valorisent les mouvements où l'effort est tout entier supporté par le muscle que l'on entraîne alors que le mouvement est considéré comme impur quand la charge est trop lourde et défigure le geste. Les « poids libres » (poids et haltères) sont considérés comme sacrés alors que la seule pratique des appareils de musculation est tenue pour insuffisante. La nourriture est également investie d'une forte charge symbolique : entrent dans la catégorie du pur les protéines et les sucres lents, tandis que les graisses et les sucres rapides sont rangés dans l'impur.
Le bodybuilding valorise l'idée du sacrifice : il faut accepter la douleur, les privations, fuir l'hédonisme, se consacrer entièrement à cette pratique. T. Kinnunen montre que le corps dans le bodybuilding est à la fois un moyen et un objet de sacralisation, qui vise à satisfaire les critères culturels du groupe. À l’ère du « body boom » généralisé, où le corps est compris comme instrument primordial de la fabrication de l’identité, source d’expériences profondes, ainsi que fin en soi, objet de toutes les adorations [Frank, 1991 ; Turner, 1991 ; Shilling, op. cit.], le corps peut être conçu comme centre du processus de sacralisation de l’identité. Il est alors le centre symbolique permettant l’établissement de frontières entre le profane et le sacré, comme le manifeste l’opposition « pur »/« impur » dans les sphères sociales, rituelles et idéologiques du bodybuilding.
Nous n’étions pas seuls. Race, nationalité, cela n’avait aucune importance. Avant toute chose, nous étions des bodybuilders – et tout devenait plus simple grâce à cela.[Sam Fussel, ancien pratiquant de bodybuilding de haut niveau, 1992 : 83].
Le bodybuilding est typique des styles de vie des tribus postmodernes telles qu’elles se construisent en grande partie à travers Internet et des magazines spécialisés. Ces forums présentent des stars de la spécialité, fournissent des informations et servent de sites de discussion.
Malgré l’existence d’un style commun, chaque bodybuilder aspire paradoxalement à être unique.
Pourquoi avoir mis Saint-Etienne sous les feux de vos caméras pour ce film ? Je cherchais à tourner dans une ville moyenne située pas loin d’une grande agglomération. J’avais pensé à Lille et Roubaix. Je ne connaissais pas Saint-Etienne. On a monté une page facebook pour rentrer en contact avec des clubs de bodybuilding et je suis tombé sur la page de Gym and Co à La Talaudière. Je leur ai envoyé plusieurs mails. Je crois qu’ils ont d’abord cru à une blague. Ils m’ont invité en 2011 à venir passer deux jours à Saint-Etienne pour assister à leur grand prix. Je n’avais alors pas écrit une seule ligne du scénario.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce monde du bodybuilding ? On le connaît peu ou pas du tout. Ce qui m’intéressait, c’était cette sacralisation du corps et de la nourriture. Ce sont des gens passionnés par leur discipline. Il faut voir l’effort physique et financier qu’ils consentent pour gagner une coupe en plastique. Ils dépensent entre 5 000 à 10 000 euros pour arriver au niveau des athlètes qui participent à une compétition comme le Grand Prix Gym and Co de Saint-Etienne.
Aviez-vous des a priori ? Oui, sur le dopage notamment. Je me disais qu’il ne fallait pas être bien futé pour ça alors que ces gens ont une vraie connaissance de leurs corps et des composants de la nourriture. Ce sont tout sauf des idiots.
Est-ce qu’on peut revenir sur le forfait d’Antoine de Caunes qui, à l’origine, devait interpréter un champion de bodybuilding ? C’est un très bon ami. Nous nous sommes engagés dans un challenge perdu d’avance. On y a cru alors que c’était voué à l’échec. C’était impossible de lui construire un corps en six ou huit mois.
Vous avez tourné presque pendant deux mois à Saint-Etienne ? Quels souvenirs vous laissera cette ville ? J’avais plus de préjugés sur Saint-Etienne que sur le milieu du bodybuilding. Je pensais que c’était une ville sinistrée avec une population qui a du mal à subsister.
C’était à ce point ? À Paris, tout le monde a cette image-là. J’avais oublié qu’il y avait un centre dramatique. J’ai découvert qu’il y avait un opéra, un cinéma d’art et d’essai. Saint-Etienne subit la pression lyonnaise. Il y a une telle rivalité entre ces deux agglomérations, même si Lyon a gagné médiatiquement. Les Stéphanois nous ont réservé un accueil vraiment exceptionnel. On a tourné dans des quartiers dits « chauds ». On n’a pas eu besoin de faire appel à des sociétés de sécurité. On a bénéficié d’une météo exceptionnelle. Je suis content de m’être planté sur l’image que j’avais. C’est une ville qui gagne à être connue. Je reviendrais peut-être à Saint-Étienne et pourquoi pas pour « Bodybuilder 2 ».
Propos recueillis Muriel Catalano
Un an après Marina, Roschdy et Yolin sont de retour à Saint-Etienne en pleine forme pour une avant première au Méliès Saint François. C'est l'occasion pour le réalisateur de revenir sur sa démarche et ses choix. On apprend par exemple qu'au début il avait envisagé plutôt un personnage central féminin. C'est l'occasion pour moi d'une nouvelle photo avec l'impressionant Yolin qui pour ses débuts au cinéma réalise une très bonne interprétation. Il espère poursuivre avec d'autres films. Marina qui joue la comagne de Yolin dans le film est toujours aussi amusante elle place quelques petites blagues lors de la soirée de présentation du film. Je fais aussi encore une petite photo avec elle en lui disant que j'en avait déjà une avec ses cheveux rouges lors du tournage. Elle me dit qu'elle s'en souvient . Elle s'eclame: Oui c'était à la mairie, depuis le maire a changé! Mais qu'avez vous foutu?