JL Bianco: Laïcité, attention à l'hystérie
J'ai rencontré Jean-Louis Bianco à l'université Jean Monnet, la fac de mes lointaines études en sciences sociales...Président de l'observatoire de la laïcité, ancien secrétaire général de l'Élysée et ministre de François Mitterrand, Jean-Louis Bianco aborde avec finesse un sujet d'actualité mais qui ne l'oublions pas remonte à 1905.
Cette loi n’était pas complètement consensuelle. Elle réalisait au contraire un équilibre des frustrations, entre les laïcs intransigeants d'un côté, et les religieux intransigeants, de l'autre. Pour qu’au final, chacun ait la liberté la plus grande possible. C’est là tout le génie d’Aristide Briand, épaulé par Ferdinand Buisson et Jean Jaurès. Et c’est pour cela que cette loi reste toujours indépassable.
La question de la laîcité entraine pourtant souvent des opinions confuses entre une laîcité combative et une laîcité pour assurer la paix civile...Donc des échanges houleux. On sait par exemple que JL Bianco et Manuel Valls avaient eu un désaccord sur le sujet il y a quelques mois...
Monsieur Bianco donne la définition suivante:
""Je pense que beaucoup évoquent trop souvent la laïcité sans trop savoir. Alors que c'est pourtant simple. La laïcité est un principe qui repose sur un ensemble de règles autour de trois piliers : la liberté, la neutralité et la citoyenneté."
"Il y a la liberté de croire ou de ne pas croire, de changer de religion, et de manifester ses convictions religieuses y compris en public comme le défend l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme. Mais cela implique aussi une forme de neutralité dans l'indépendance de l'État par rapport aux religions. Car aucune religion ne peut dicter sa loi. Ainsi, en la matière, les agents publics doivent rester neutres. Enfin, le troisième pilier est la citoyenneté. Nous sommes de différentes couleurs de peau et de croyances aussi différentes qui sont autant de richesses, car nous sommes tous des citoyens. Cette définition n'est pas contestable, ni contestée."
Il nous invite à nous méfier de l'hystérie médiatique et de l'exploitation politique du sujet:
"la France est laïque car elle applique ses préceptes en s'adaptant aux pressions, religieuses notamment. Les questions sont là. Il faut résister, défendre la laïcité, savoir à quel moment il faut dire oui ou non. Mais il faut appliquer cela avec sérénité, car la tendance médiatique et politique est à l'emballement. N'oublions pas que la loi est là pour donner un cadre sur ces questions"
"Dans l'affaire du burkini, la France s'est ridiculisée. J'ai même entendu parler de «tenue laïque» à porter à la place du burkini. On voit que ce dossier est délicat. Par contre sur les cantines scolaires, c'est bien plus simple. Il faut offrir un choix de nourriture. Certains font celui de plats végétariens simplifiant bien les choses. Mais dans tous les cas, il y a nécessité à expliquer. Ce qui me gène dans le débat autour de l'Islam, c'est la poussée antimusulmans, alors que dans leur très grande majorité, les musulmans de France sont dans une pratique apaisée. Par rapport à tout cela, comme avec le débat sur l'identité nationale qui montre que des Français sont en proie aux doutes ou encore les récents propos du pape sur la théorie du genre, je reste persuadé que la laïcité reste une réponse toujours actuelle"