Ryad Boudebouze, football et religion
Quand on est supporter de l'ASSE cela n'empèche pas de s'intéresser aux joueurs des équipes adverses au fil de la saison. J'ai pu voir Ryad le milieu offensif de Montpellier avant le match contre les verts.
C'est l'occasion d' aborder un autre sujet que le foot, celui de la religion...ave l'aide des interviews du quotidien du Languedoc (Midi Libre)...
Né à Colmar de parents algériens Ryad a la double nationalité. Le milieu de terrain de Montpellier est aussi international de l'équipe d'Algérie. "Petit, mon père me montrait les images des joueurs algériens : Madjer, Belloumi... À 14-15 ans, quand je suis entré au centre de formation de Sochaux, je lui ai dit : "Si un jour je passe pro, je veux jouer avec l'Algérie". C'est quelque chose qui vient de loin. Une évidence. Mais attention, ce n'est pas parce que je ne me sentirais pas Français. Je dois beaucoup à la France, je suis né ici, j'ai grandi là, mais j'avais envie de porter ce maillot."
Ryad est croyant et il sépare clairement sport et religion.."Il y a la religion et il y a le football. J'essaie de ne pas mélanger les choses. On fait souvent des amalgames alors je pratique ma religion discrètement, je vais à la mosquée. Chacun fait sa vie comme il l'entend tant qu'il y a du respect entre nous. Peu importe la religion, ça ne me dérange pas." "Certains confondent les choses. Islam et islamiste, ce n'est pas pareil. D'autres ont un peu plus de recul. Quand tu ouvres la Bible, la Torah ou le Coran, tu peux lire que "tuer est le plus grand des péchés". Ceux qui ont commis toutes ces atrocités en novembre à Paris, ne sont pas des musulmans. C'est dommage de nous mettre tous au même niveau." "Au moment des attentats j'ai ressenti du dégoût. Voire des gens mourir à cause de fous... Même à son pire ennemi on ne souhaite pas la mort. Nous, les footballeurs, on ne réalise pas la chance que l'on a sur le terrain, on est toujours en train de se plaindre alors que des gens meurent à côté... Pour rien."
Mais quelle place occupe réellement la religion dans le football ? Pendant trois ans, le journaliste sportif Nicolas Vilas* a mené l'enquête. Dans Dieu Football Club, paru en novembre 2014, il remonte aux fondements des clubs et entre dans la foi des joueurs. Entretien.
Il constate que certaines expressions sont connotées religieusement ou spirituellement. Par exemple, un 0-0 est un score nul et vierge. On dit aussi que certains stades sont l'enfer pour leur adversaire, que le gardien s'est fait crucifier, que les vainqueurs sont au paradis. Les joueurs sont des dieux pour leurs supporters. Eux-mêmes sont des fidèles, qui chantent des « carols » (cantiques) en Angleterre. Tout un champ lexical propre au football s'inspire de la religion..
Sur les joueurs catholiques: Je ne sais pas s'ils sont plus discrets. Je pense qu'on les remarque moins. Même si je ne suis pas croyant, j'ai eu une éducation catholique et j'y fais peut-être moins attention. Parmi les joueurs catholiques très pratiquants, je parle de Bafétimbi Gomis ou Yohan Cabaye. Mais ils ne sont pas nombreux. Hors de France, je pense à Luiz Felipe Scolari, l'ancien entraîneur du Brésil et du Portugal. Il est très démonstratif et ne s'en cache pas. Régulièrement, il part en pèlerinage à Notre-Dame de Caravaggio, en Italie, et une image de la Vierge l'accompagne toujours dans les vestiaires.
Puis la pratique religieuse est-elle compatible avec le football professionnel ? Il n'y a pas de généralité. Chaque personne vit sa religion différemment. Le plus intéressant, c'est que les clubs et les dirigeants se sont déjà adaptés à ce type de pratique. Ils savent s'organiser par rapport aux habitudes alimentaires, aux prières, aux périodes de jeûne ou de chômage. Ils fonctionnent quasiment au cas par cas. Jean-Marc Furlan ou Vahid Halilhodzic expliquent avoir d'abord une discussion avec le groupe, puis avec chaque individu. Aujourd'hui, on essaie de régler tous les débats de la société par des lois, des généralités. Mais dans le milieu du football, ils ont déjà compris que la meilleure façon d'appréhender ces cas-là, c'est justement de ne pas en faire. Le cas de Frédéric Kanouté est très intéressant. Très engagé politiquement et converti à l'islam, on le dit aussi très orthodoxe dans sa façon de vivre sa foi. Mais quand il jouait au FC Séville, il n'a jamais demandé de viande halal. Finalement, on le lui a proposé au bout de quatre ans. Comme quoi, ce n'est pas parce que l'on est très croyant que l'on veut imposer sa foi à son employeur ou à son entourage.
Qu'en est-il du port du voile chez les footballeuses ? C'est une vraie problématique, quand on sait que la France est candidate à l'organisation de la Coupe du monde féminine en 2019. Il y a eu une passe d'armes entre la FFF et la Fifa sur port du voile. La FFF fait prévaloir le droit français, interdisant tout signe religieux. La Fifa l'autorise. Si la France remporte l'attribution de la Coupe du monde et que des joueuses veulent apparaître voilées sur le terrain, comment fera-t-on ? Helena Costa, qui a entraîné les sélections iranienne et qatarie, a connu cette problématique. Finalement, de nombreux politiciens et dirigeants du football ont abordé la question, mais on n'entend jamais les joueuses.
Cette enquête a changé son regard sur le monde du foot ?Ce travail journalistique de trois ans m'a beaucoup appris sur la religion. Moi qui ne suis pas croyant, je me considérais comme un profond laïque. Finalement, j'étais plus un laïciste. J'avais un point de vue très tranché sur les questions d'ordre religieux dans l'espace public. Je me suis rendu compte qu'il y a des débats impossibles dans la société car on les interdit. Si l'on veut avoir un vrai échange, il faut de la communication et surtout de la connaissance. Quand l'AS Menorah, à Strasbourg, organise des matchs entre musulmans et juifs, ils se rendent compte que leurs pratiques sont très proches. Mais en interdisant le dialogue, on a tendance à cliver les gens les uns contre les autres. C'est dommage.
(*) Nicolas Vilas est journaliste à Ma Chaîne Sport et collabore à RMC, RFI et Eurosport.fr. Dieu Football Club, Paris, Hugo Sport, 2014, 207 p., 16, 50 €.