Miss et John Maynard Keynes " le concours de beauté"
13 janvier la cérémonie Miss Prestige National se déroulera à la comédie de Saint-Etienne. Parmi les candidates Sérena Politano qui représente l'Île de France.
Admettons que je pronostique que ce sera la gagnante. En disant cela peut-on dire que j'exprime mes critères personnels ou que je devine ceux du jury?
C'est l'occasion d'un retour théorique sur le célèbre exemple du concours de beauté de l'économiste Keynes (1883-1946).
Les lecteurs d’un journal sont invités à participer à un jeu dans lequel ils doivent choisir parmi une sélection de photographies de visages les six qui leur semblent les plus jolis. Le vainqueur du concours est celui dont la sélection se rapproche le plus de la sélection moyenne de l’ensemble des participants. On voit aisément que, pour gagner, il ne s’agit pas de sélectionner les 6 visages qui nous paraissent les plus jolis mais plutôt ceux dont on pense les autres les trouveront les plus jolis. Le problème, c’est que cela est connaissance commune et dès lors on peut s’attendre à ce que chacun raisonne ainsi. On rentre alors dans une situation de “spécularité infinie”, selon les termes de Jean-Pierre Dupuy : je pense que l’autre pense que je pense que l’autre pense, etc. On semble donc se trouver dans une situation indécidable. Comment les agents vont-ils prendre une décision ? En s’appuyant sur une convention, c’est à dire un ensemble de critères qui fondent la représentation de ce qu’est un beau visage et dont chacun pense qu’ils sont partagés par tout le monde. Dès lors, la décision de chacun ne s’appuie pas tant sur ce qu’il pense que les autres pensent que sur ce qu’il pense être la convention, l’opinion générale.
Ainsi il se trouve que dans certains cas, le mimétisme est, tout au contraire, parfaitement rationnel, qu’il arrive même que le mimétisme soit, dans certains cas, le seul comportement rationnel possible pour des individus, précisément, raisonnables. Ces cas, qui tous rendent le mimétisme rationnel, ont un point commun : ils s’inscrivent toujours dans un contexte économique (voire politique) caractérisé par « l'incertitude », par ce que quelques économistes appellent, depuis Keynes, « l'incertitude radicale ».