Michel TERESTCHENKO soyons altruiste !
Une barbe de mousquetaire, un élégance flegmatique, on pourrait dire de Michel Terestchenko qu’Il n’y a point d’enfer dans le feu de sa forge, ni de fange dans l’eau de son moulin. Il prône la Bienveillance comme vertu humaine. Il note, combien le « dogme » de l’égoïsme entre en contradiction avec les conduites effectives de tas de bénévoles, donateurs anonymes etc.,
Dans Un si fragile vernis d'humanité, banalité du bien, banalité du mal Michel Tereschenko s'interroge, entre autres choses, sur la capacité qu'ont les hommes à se soumettre ou bien au contraire à se rebeller face à des ordres absurdes.
Ses analyses portent sur des situations critiques comme celle de la seconde guerre mondiale, ou encore comme l'expérience de Milgram. Pourquoi certains, sans être des sadiques et bien conscients des normes morales, acceptent-ils de torturer, de tuer lorsqu'un pouvoir le leur demande tandis que d'autres se rebellent face à de telles absurdités?
Et Michel Terestchenko de revenir sur l’expérience de Stanley Milgram, par ailleurs relatée dans le film" I comme Icare". L’expérience, menée dans les années 70 aux Etats-Unis, faisait appel à des citoyens ordinaires. Ceux-ci acceptaient de contribuer au succès d’une expérience scientifique stipulant que la punition favorisait la capacité d’apprentissage. Ces anonymes faisaient passer des tests de mémoire à d’autres cobayes, attachés à une chaise électrifiée, et situés derrière une vitre. L’opération était encadré par des chercheurs en blouse blanche. A chaque mauvaise réponse, l’examinateur devait infliger au cobaye une décharge électrique, dont l’intensité devait être augmentée au fur et à mesure. En réalité, les rôles étaient inversés : les chercheurs étaient des acteurs, tout comme les victimes de choc électriques, qui, elles, mimaient la douleur. Les vrais cobayes étaient en fait les volontaires. Les résultats furent effarants. Selon les procédures choisies, entre 10 et 90 % des cobayes acceptèrent d’électrocuter leur semblable, par des chocs électriques s’étalant de 15 à 450 volts.
La psychologie des individus n’est pas à mettre en cause : la grande majorité n’obéissent pas par sadisme, mais simplement par esprit de soumission. Le facteur décisif c’est la présence d’une personne qui "fasse autorité" et qui détienne cette autorité : ici, les pseudos-chercheurs en blouses blanches. "On sait pourquoi les tiers obéissent à des ordres criminels. Par contre, on ne sait toujours pas pourquoi un tiers refuse." conclue Michel Terestchenko.
"De façon presque constante, les témoignages de l'enquête Oliner font état de l'affection qui liaient les sauveteurs à leurs parents et la nature de l'éducation non répressive et non autoritaire qu'ils avaient reçue, permettant ainsi l'émergence d'une personnalité libre et autonome, capable de faire des choix qui ne sont dictés ni par les normes sociales en vigueur ni par le besoin d'obtenir l'approbation d'autrui, capable également d'agir avec endurance et courage sans voir dans l'éventualité de l'échec (voire de sa propre mort) un obstacle dirimant." (Deux universitaires américains, Samuel et Pearl Oliner (The Altruistic Personality, 1992), ont enquêté de façon rigoureuse en interrogeant plus de 400 Justes, qui avaient sauvé des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Il était ressorti de cette enquête que toutes ces personnes avaient en commun le fait d'avoir reçu une éducation respectueuse, affectueuse, non autoritaire et non répressive)
Cette phrase extraite du livre de Michel Tereschenko nous a beaucoup donné à penser. Il semble que la "présence à soi" caractéristique des personnalités altruistes soit en partie liée à une éducation non autoritaire (ce qui ne signifie pas laxiste).
Tereschenko souligne aussi qu'une éducation fondée à l'inverse sur la sanction et la peur de la punition contribue à former des individus obéissants et vivant dans la crainte de déplaire au maître. La présence à soi est un sentiment absolument individuel et qui est composé tout à la fois de force de caractère, de sentiment de la justice et d’esprit de résistance, peut hisser l’individu à cette posture qui est respect de l’humanité en soi....
Le système scolaire en vigueur aujourd'hui en France aide-t-il ou au contraire empêche-t-il la formation de personnalités altruistes?
Dans quelle mesure la scolarité, la vie à l'école, au collège ou au lycée peut-elle favoriser la formation de personnes altruistes, confiantes en elles et non habitées par la peur? Comment envisager dans ce cas le rapport à l'étude, le rapport au savoir, le rapport au maître, à l'évaluation? Comment concevoir le rapport des élèves entre eux pour que la solidarité, la coopération et la démocratie ne soient pas de vains mots mais correspondent en effet à des pratiques?
Voici les questions auxquelles en tant que professeurs et éducateurs il nous incombe de refléchir.