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Blog-Serge-FREYDIER
22 août 2014

Questions à l'architecte ligérien Frédéric Bonnet

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Frédéric Bonnet, architecte de l'agence parisienne Obras, vient de recevoir le Grand Prix de l'Urbanisme 2014 attribué par le ministère du Logement et de l'Égalité des territoires.

Ce Grand Prix récompense chaque année des acteurs importants de la ville et de la ville durable. Frédéric Bonnet est architecte conseil de l'État depuis 2008, Grand prix d'architecture Auguste Perret 2009, médaille de vermeil de l'Académie d'architecture 2008.  J'ai souhaité lui poser quelques questions après ce prix.

Serge Freydier:  Je crois que vous êtes originaire de la Loire?

Frédéric Bonnet: je suis né à Firminy, où j'ai fait toutes mes études secondaires, pour rejoindre ensuite l'école d'architecture de Saint-Etienne pour mes quatre premières années d'études (c'est là que j'ai rencontré mon associé dans l'agence Obras, Marc Bigarnet). Toute ma famille du côté de ma mère est de Saint-Etienne et La Ricamarie. Même si j'habite Paris depuis 27 ans, je suis donc très attaché à la région stéphanoise.

Serge Freydier: Vous êtes un architecte qui a des convictions, avec parfois des projets ancrés dans le social

Frédéric Bonnet: l'urbanisme, comme l'architecture, peut répondre -ou pas- aux enjeux sociaux, tout dépend quel position on adopte. Pour ma part, je ne vois pas comment on peut aujourd'hui être architecte sans chercher à améliorer, pour tous, la qualité des lieux où nos concitoyens vivent, sans écouter, sans essayer de comprendre quelles forces contradictoires sont en jeu dans la construction de la ville, et quelle est notre marge de manœuvre. Le territoire est très inégalitaire, avec de forts contrastes entre des lieux sans cesses plus riches et d'autres qui sont délaissés. C'est pour cette raison, principalement, que nous sommes engagés aussi sur les projets urbains. Il n'y a bien sûr pas de recette miracle, ni de "doctrine" qui serait une réponse définitive à ces déséquilibres, mais l'engagement, même modeste, au quotidien est une condition de notre métier. Après plusieurs années d'intense activité éditoriale sur le sujet, j'ai co-fondé en 2012 une revue, "tous urbains" (disponibles au PUF et en librairie) avec des géographes, sociologues, économistes et philosophes, avec l'idée de développer une critique sans concession, mais constructive, des mécanismes en cours. (cf site web des PUF: www.puf.com/Tous_urbains)

Serge Freydier: Concernant la place de l'Hôtel de ville de Saint-Etienne quelle est sa symbolique? Ne pensez-vous pas qu'il fallait plus communiquer sur le sens du dispositif?

Frédéric Bonnet : je pense que nous avons eu l'occasion, à plusieurs reprises, d'expliquer le sens du projet "cœur de Ville". La municipalité a aussi beaucoup communiqué. Nous avons parfois été surpris des polémiques portées par certains articles. Mais, pour avoir réalisé de très nombreux espaces publics, nous savons aussi que ce débat est normal, pour ne pas dire salutaire: l'espace public reste un des derniers "objets construits" dont les citoyens se sentent co-propriétaires, fort heureusement, et réagissent en conséquence, parfois de manière très affective -ceci contrairement aux autres objets d'aménagement du territoire, routes, zones d'activité et lotissements, qui ne suscitent pas autant de réactions-. 

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Les principes sont très simples: le sous-sol est très occupé (parking devant la mairie, rivière canalisée du Furan et transformateurs électriques place Dorian), ce qui ne permettait pas de faire un grand jardin. Cela coïncidait avec la vocation des lieux, et avec les complémentarités d'autres espaces du centre ville (place Marengo, plus plantée, ou encore nouveau parc Couriot, qui est à quelques minutes à pied). La place de la mairie doit rester une surface disponible, ouverte, pour les évènements et les manifestations culturelles, les moments forts de la vie urbaine. C'est différent pour la place Dorian, où nous avons planté des arbres qui sont destinés à devenir grands (frênes, essentiellement), abritant les terrasses, une place dont le caractère va beaucoup évoluer avec le temps. A notre sens, ce double caractère complète l'offre d'espaces publics disponible en centre ville. Il est important que la vue entre Mairie et Grand Cercle soit dégagée -comme c'était le cas dans le caractère historique de la place, lorsqu'elle n'était qu'une esplanade de sable compacté entre deux allées d'arbres, bien avant le stationnement de surface-. 

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Nous avons choisi de travailler un matériau relativement bon marché -le béton-, qui marque aussi la continuité du plateau piéton, avec les projets déjà réalisés (place du peuple, par exemple), pour éviter de rajouter un énième registre dans le centre ville. Le dessin de ce sol est par contre très étudié: même si cela ne se voit pas immédiatement (car c'est un travail de nivellement, très technique) et même si cela a entraîné au départ des soucis de chute à cause du changement des habitudes, le nouveau dessin du sol redonne effectivement la place au piéton, et favorise des parcours qui n'étaient pas envisageables avant.

Les objets (fontes, mâts lumineux, fontaine) ont tous été, avec nous, étudiés et fabriqués par des entreprises locales, mettant en scène les savoir-faire industriels de la région sur le lieu le plus emblématique de la ville. Ce n'est pas pour nous une question de "circuit court", mais bien une expression, sociale et culturelle, des ressources industrielles de Saint-Etienne. C'est expérimental, certes, mais il nous semblait important que le "mobilier urbain" qui d'habitude est issu de catalogues "ready made" d'origine indéterminée soit ici fabriqué, très concrètement, par des personnes qui sont aussi des habitants de la métropole. Cela a pu susciter des controverses, mais nous pensons qu'après quelques années, lorsqu'on aura oublié les architectes, cela restera dans le récit collectif un élément important dans la transformation du centre ville.

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